Un conclave qui regarde vers le Sud. Editorial de Marco Impagliazzo paru dans La Nuova Sardegna
PAPE

Un conclave qui regarde vers le Sud. Editorial de Marco Impagliazzo paru dans La Nuova Sardegna

L'héritage de Bergoglio

Le conclave qui s'ouvre demain pour élire le pape présente un aspect inédit : la présence massive de cardinaux venus du Sud. C'est une nouveauté que le conclave hérite du pontificat de François, qui a fait du Sud et, plus généralement, des périphéries, l'un des critères de gouvernement de l'Église. Ses choix dans la création de cardinaux, au cours de son pontificat, n'ont plus privilégié les seuls évêques en charge de diocèses historiques, mais des hommes d'Église issus des pays les plus petits et les plus marginaux (comme l'île de Tonga) ou les plus pauvres en présence catholique, comme la Mongolie, l'Iran, l'Algérie et le Maroc.

Cette décision a redessiné le Conclave : l'Europe, même si elle reste le continent qui compte le plus de votants (53), n'aura plus le poids qu'elle avait auparavant ; l'Asie, l'Afrique et l'Amérique latine seront davantage représentées que par le passé. Une voie vers un avenir de l'Église qui englobe tous les peuples et guide le monde entier.

Le pontificat du pape François a été marqué par la relation avec le Sud global, c'est-à-dire avec ces pays et continents qui représentent un présent avec de nombreux problèmes mais aussi, en perspective, l'avenir de l'humanité. Tout d'abord en raison de ses origines mêmes : argentin, petit-fils de migrants italiens, François a en quelque sorte rappelé ses racines dès le début de son pontificat, lorsque, à peine élu, il a déclaré depuis la loggia de Saint-Pierre que les cardinaux étaient allés le chercher « presque au bout du monde », c'est-à-dire dans son Sud profond.

Premier souverain pontife latino-américain, François a exprimé un magistère dans lequel les exigences de régions du monde qu'il connaissait bien ont émergé avec force en même temps que les réalités auxquelles il avait dû faire face en tant qu'archevêque de Buenos Aires. Il suffit de penser à ses relations avec les mouvements populaires d'Amérique latine et d'Afrique qui luttent pour le droit au travail, à la terre et à un toit. Mais il ne l'a jamais fait de manière idéologique, ayant toujours le Concile Vatican II comme base de sa pensée et comme ligne directrice pour l'Église et le monde. Car il était convaincu, avec une grande sensibilité évangélique, que pour comprendre tout centre - d'un continent, d'un pays, d'une ville - il était nécessaire de le regarder à partir de sa périphérie.

Ce n'est pas un hasard si son premier voyage apostolique, en juillet 2013, s'est déroulé sur l’île de Lampedusa, où l'on peut toucher la douleur d'une partie méridionale du monde qui regarde vers l'Europe : la périphérie blessée des migrants africains et asiatiques, qui voient leur salut dans notre continent, mais qui trouvent trop souvent la mort en mer ou dans le désert. C'est à cette occasion que François a prononcé un discours mémorable contre la « mondialisation de l'indifférence ». Une sensibilité à l'égard des réfugiés qu'il a manifestée à maintes reprises : il suffit de penser à son passage à Jerez de la Frontera, à la frontière entre le Mexique et les États-Unis, à ses appels continus en faveur de la protection des migrants, à son encouragement des couloirs humanitaires et de toute autre forme d'accueil, de soutien et d'intégration. À tel point qu'à Lesbos, une autre île, destination, comme Lampedusa, des débarquements du Sud, il a décidé, en avril 2016, d'emmener à Rome dans son avion un groupe de Syriens ayant fui la guerre et de les confier à la Communauté de Sant'Egidio.

En novembre 2015, la décision d'ouvrir la première Porte Sainte du Jubilé de la Miséricorde non pas à Rome mais à Bangui, capitale de la République centrafricaine, a été très significative, à la fois pour les effets concrets en faveur de la réconciliation dans ce pays déchiré par la guerre et comme un signe pour le monde entier.

Il faut aussi rappeler les nombreux voyages apostoliques dans le Sud. Des voyages en Afrique, comme au Mozambique et à Madagascar ou en République démocratique du Congo. Dans divers pays d'Amérique latine ainsi que le long voyage qui l'a conduit, en septembre dernier, tandis qu’il état déjà affaibli physiquement, dans l'Orient lointain de l'Indonésie, au Timor oriental et en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Autant de pays où, outre la rencontre avec les pauvres et les « laissés-pour-compte » - comme il aimait à le dire - de ces sociétés, il a pu rencontrer la plus grande richesse que ces pays puissent exprimer : les nombreux jeunes qui, dans bien des cas, représentent plus de la moitié de la population.

[traduction de la rédaction]


[ Marco Impagliazzo ]