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A Chypre, dans le camp de réfugiés de Pournara, l'école d'anglais est un lieu de rencontre entre des mondes différents. On y apprend aussi la langue de la paix

Cette année encore, Sant'Egidio organise des vacances solidaires dans les camps de Pournara et Kofinou avec près de 200 volontaires venant de plusieurs pays européens.

POURNARA (Nicosie-Chypre) – Comment raconter l'impossible quotidien, qui devient possible et se transforme en joie, en espoir, en vie ? C'est ce qui se passe à Pournara, le camp d'accueil situé près de Nicosie, la capitale de Chypre, encore marquée par la ligne verte qui a gelé la partie nord de l'île, occupée et peuplée par les Turcs depuis 1974. C'est surtout par là qu'arrivent les réfugiés. Ils sont peu nombreux selon notre référentiel, très nombreux pour la modeste population de Chypre.

Une forte chaleur, de la poussière, mais pas de solitude. En ce moment, ils sont 198 dans le camp, à souffrir de la chaleur et de la poussière de l'été méditerranéen. Mais pas de solitude. Car cette année encore, les vacances solidaires de la Communauté de Sant'Egidio ont choisi Chypre, avec près de 200 bénévoles, provenant de différents pays européens, qui se relaient à Pournara, ainsi que dans l'autre camp de l'île, celui de Kofinou, qui accueille quant à lui 600 réfugiés.

On fait connaissance sous la « Tente de l'amitié ». Chaque soir, ils se retrouvent sous la Tente de l'Amitié où ils peuvent manger dignement autour de tables bien dressées, discuter, faire connaissance, partager leurs histoires et leur soif d'un avenir meilleur. Mais bien plus encore. Le lundi 28 juillet a été un grand jour pour quatre-vingts réfugiés d'âges différents : le premier jour de l'école d'anglais. « This is the School of English language, Friendship and Peace ». Pas de langue-pont avec le dari, le farsi, l'arabe de différentes régions, le kurde, le français, le somali pour les Afghans, les Iraniens, les Yéménites, les Syriens, surtout ceux d'Erbil et de Raqqa qui ont fui, les Somaliens de Somalie et du Somaliland, les Kurdes irakiens, les Africains du Congo, de Guinée Conakry, du Cameroun, et bien d'autres encore.

Une mosaïque de sons et de mots. Le désir d'apprendre est grand dans cette région transformée en une mosaïque de sons et de mots. Parmi les médiateurs culturels, une petite fille de presque huit ans qui parle bien anglais et qui est d'une sympathie fulgurante, et un Afghan calme et sérieux qui aide à traduire l'intraduisible. Les réfugiés sont tellement heureux d'apprendre l'anglais qu'ils cessent d'être muets, comme au début, et redécouvrent leur personnalité et leur dignité.

L'avenir recommence. Il y a aussi une classe pour débutants, qui n'ont aucune connaissance de l'anglais et certains sans aucune scolarité, des arabes syriens âgés de près de vingt ans, n'ayant jamais fréquenté l'école. L'enseignante est une Syro-Espagnole de la Communauté de Sant'Egidio de Barcelone, qui s'occupe de ceux qui viennent de fuir Rakka et Idlib. Une aide vient également de jeunes Soudanaises portant le niqab. Voilà une étonnante Babel positive, recomposée et communicative.

Foulards colorés, tchadors, hijabs, enfants et adultes. Il fait chaud dans la classe, impossible de passer entre les bancs, entre les foulards colorés, les tchadors, les hijabs, les enfants, les jeunes et les adultes. Certaines allaitent, d'autres se perdent dans des sons qu'elles ne comprennent pas, mais tout cela est une victoire, une explosion de vie. Merci, « Thank you teacher ». Et les différents enseignants de Sant'Egidio se disent en eux-mêmes : « mais de quoi ? ». Ils savent qu'ils ont fait peu, même si ce qui se passe est grand. Le miracle vient de commencer. Surtout si l'on pense à qui sont les personnes du camp.

Fuyant les mariages précoces. Du Somaliland, même s'il n'y a pas de guerre en cours, arrivent des filles qui ont fui pour ne pas devenir des épouses-enfants, propriété d'hommes âgés. L'une d'entre elles, qui s'est échappée d'un mariage forcé, a été renversée par un homme qui se sentait « offensé » : il a essayé de la tuer avec sa voiture. Elle a survécu, a subi deux opérations de la colonne vertébrale et marche aujourd'hui avec une canne. Il y a un adolescent camerounais, au regard sombre mais plein de lumière à l'intérieur. Il a vu son père se faire tuer sous ses yeux par des bandes armées, dans la zone anglophone du pays. Sa mère l'a emmené loin de cette horreur, même si pour l'Europe, le Cameroun est encore considéré comme un « pays sûr ».

Presque aucun gouvernement européen ne les considère comme des réfugiés, mais ici ils sont reconnus. Il y a une famille iranienne, chrétienne, qui rêve seulement de pouvoir vivre librement et se mettre au service des autres. Et puis il y a les jeunes Syriens, qui ont grandi à Raqqa et Idlib, des villes marquées par la guerre, le califat, les djihadistes d'al-Nosra, qui font aujourd'hui partie du gouvernement syrien reconnu au niveau international. Ils sont partis récemment, plus tard que d'autres. Ce sont de nouveaux réfugiés, différents de ceux d'il y a dix ans. Mais pour l'instant, presque aucun gouvernement européen ne les considère comme des réfugiés. Comme s'ils n'existaient pas. Ici, en revanche, ils sont reconnus.

Article de Mario Marazziti paru dans La Repubblica le 03/08/2025 (traduction de la rédaction)